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La production et la surveillance rabbinique des étroguim de Calabre
1. La question des étroguim greffés (« mourkavim »)
L’un des principaux postes de préoccupation de la récolte des étroguim pour la fête de Souccot est d’éviter qu’il s’agisse d’étroguim greffés.
En effet, les exploitants non plantent certains cédratiers en les greffant sur des variétés de citronniers. Les fruits qui poussent d’un tel arbre ont exactement le même aspect que les étroguim qui poussent sur un arbre non greffé, mais ils ne sont pas cachers – ils ne conviennent pas – pour accomplir la mitsva des Quatres Espèces (appelée « Loulav » au nom de la branche de palmier qui en est le composant le plus visible).
Dès lors, on ne peut s’acquitter de son obligation rituelle avec un étrog greffé et la bénédiction « ... al nétilat loulav » prononcée sur un bouquet de Quatre Espèces comportant un tel étrog est considérée comme une « bénédiction en vain ».
2. Pourquoi existe-t-il des étroguim greffés ?
Les agriculteurs greffent les cédratiers sur des citronniers pour un ensemble de raisons, la principale en étant la grande fragilité des cédratiers « purs » : l’arbre produit peu de fruits et ne dure qu’une dizaine d’années. Un cédratier greffé, en revanche, peut durer plus de vingt ans.
Ainsi, en ne faisant pousser que des arbres cachères, la production devra s’arrêter à des intervalles de quelques années pour permettre la pousse de nouveaux arbres, entraînant un surcoût et une charge de travail agricole supplémentaire.
Pour cette raison, il arrive que les exploitants plantent un nombre – parfois important – de cédratiers greffés dans un champ de cédratiers non greffés.
3. Récolte des étroguim par deux témoins experts
Puisque la loi juive interdit d’utiliser des étroguim greffés pour Souccot, il est donc nécessaire que la récolte soit surveillée par un délégué rabbinique veillant à ce que tous les étroguim proviennent d’arbres totalement cachères.
Le Rabbi de Loubavitch a institué depuis de nombreuses années que deux témoins valables soient présents lors de la récolte des étroguim et non un seul.
Cela demande une explication : en effet, la loi juive stipule qu’en matière d’interdits alimentaires, on accorde foi à un témoin unique (« ède e’had néémane bé-issourim »).
Cependant, le système instauré par le Rabbi ne vise pas à simplement « faire mieux », mais écoule d’une compréhension approfondie de la situation qui prévaut dans les exploitations de cédratiers en Calabre.
En effet, il ne suffit pas seulement de constater l’aspect de l’arbre, mais il faut également parer à d’éventuelles manipulations visant à faire passer des arbres greffés pour des arbres non greffés et des fruits issus d’arbres greffés pour des fruits cachères.
Il arrive ainsi que l’endroit de la greffe soit pratiqué à la base de l’arbre, très près du sol, et recouvert de terre, de manière à être dissimulé aux yeux des acheteurs juifs. Seul un œil expert peut déceler ce genre de problèmes.
Il est également indispensable que, pendant qu’un surveillant examine un à un les étroguim reçus de la main des agriculteurs, un autre surveillant constate que les étroguim proviennent bien des arbres cachères et non d’une autre source extérieure au champ.
4. Comment distinguer un cédratier non greffé d’un cédratier greffé ?
Pour s’assurer que l’arbre n’a pas subi de greffe, il est nécessaire de l’examiner dans sa totalité.
Ces dernières années, cette tâche s’est encore complexifiée, depuis l’élaboration par les agronomes de l’université de Naples d’un nouveau procédé de greffe qui rend encore plus difficile sont identification par un examen superficiel.
5. Est-ce la seule chose à surveiller ?
Les surveillants rabbiniques doivent bien sûr également s’assurer que les étroguim ne présentent pas de défauts invalidants. Le moindre petit trou à sa surface rend en effet un étrog non-cachère.
D’autre part, certains étroguim poussent avec un « pitom », une petite excroissance à la pointe du fruit, et d’autre poussent sans. Si les deux sont cachères, il faut cependant s’assurer qu’un fruit dont le pitom est tombé au moment de la cueillette et qui n’est donc plus cachère ne se glisse pas dans le lot.
Il y a encore d’autres points auxquels les surveillants doivent faire attention, comme de veiller à ce que les arbres ne soient pas dans les quatre premières années de leur croissance (ce sont les mitsvot de « orlah » et de « neta revahi »).
6. Pourquoi y a-t-il différentes qualités d’étroguim ?
De nombreuses personnes se demandent pourquoi on n’importe pas de Calabre uniquement des étroguim présentant toutes les qualités souhaitables : de bel aspect, parfaitement uniformes, sans aucune imperfection ni tache (qui n’invalide pas l’étrog) ?
La réponse est que de tels étroguim sont extrêmement rares ! La pollution de l’air qui s’accentue d’année en année, les insectes – vers, moucherons, etc – qui se collent au fruit lors de sa maturation, entraînent inévitablement la présence de trous et de marques sur les étroguim.
En outre, les étroguim poussent naturellement à proximité les uns des autres, une même branche portant parfois plusieurs fruits et les branches de cédratiers présentent de nombreuses arêtes saillantes et autres aspérités. Ainsi, le contact des fruits entre eux et avec les branches, associés aux raisons énumérées plus haut, font qu’il est très difficile de trouver des étroguim cachères, sans vers et sans perforations.
Pour produire des étroguim répondant aux critères de la mitsva des Quatre Espèces à Souccot, il est nécessaire de leur apporter un soin particulier tout au long de leur croissance : couper les fruits poussant à proximité du fruit sélectionné à un stade précoce et ne laisser sur une branche qu’un seul fruit, couper toutes les excroissances des branches risquant de blesser le fruit et d’autres soins et attentions particulières.
Il arrive malheureusement que, malgré des soins prodigués avec attention par une famille d’exploitants pendant toute une saison, leur champ soit victime d’une invasion d’insectes ou de vers qui rendent tous les étroguim impropres à la mitsva. Il n’est alors d’autre choix que de s’adresser à une autre exploitation qui n’a pas été touchée.
Pour éviter ce problème, les agriculteurs pulvérisent de coûteux pesticides sur les arbres. Malheureusement, ces produits n’agissent pas toujours sur les insectes en présence, ou seulement sur une partie d’entre eux. Il y a plus grave : il arrive aussi que le produit provoque l’apparition de taches invalidantes sur les étroguim.
Il faut ainsi passer en revue des dizaines d’étroguim pour en trouver un qui soit sans perforations ou taches invalidantes. Trouver un étrog totalement propre et sans aucune imperfection arrive une fois sur mille !
[À cause de ces nombreux problèmes, de nombreux exploitants ont préféré arrêter de produire pour le marché des étroguim de Souccot et se consacrent exclusivement à celui des boissons ou des cosmétiques.
Grâce à D.ieu, il reste néanmoins quelques exploitations qui continuent à planter des arbres cachères et à faire en sorte de produire des étroguim utilisables pour la mistva des Quatre Espèces.]
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